Lettre du 26 juin 1946

Ateliers de Di An (1), le 26 juin 1946

Mes très chers parents, ma très chère sœur,

Il y a bien longtemps que je n’ai pas écrit, mais la faute n’incombe pas à ma paresse, mais au manque de temps. Nous sommes continuellement dehors et depuis une huitaine de jours nous travaillons avec profit. Je ne peux vous donner exactement les résultats de nos opérations mais je puis néanmoins vous dire que les résultats sont excellents. Nous menons une vie excessivement dure aux Viet-Minhs du secteur.

La santé est toujours excellente. Je me porte comme un charme et je suis en pleine possession de mes moyens2. Le climat n’est pas trop dur à supporter. Un vent frais balaye en ce moment la région. Le soleil n’est pas trop virulent et d’agréables averses nous permettent de prendre de bonnes douches à l’eau de pluie.

Tout est calme au P.C.. Il est 14h30. La plupart des gradés et légionnaires font la sieste. Seul, sur le bureau voisin, le secrétaire du Peloton, le légionnaire Carel, lit l’Os [?] Libre et parfois éclate de rire. Notre Lieutenant est parti ce matin déjeuner à Thu-Dhuc avec l’administrateur. Mon ordonnance sommeille à mes pieds, Ho-Chi-Minh, notre petit chien, s’amuse avec mes lacets de chaussures et pousse parfois de petits grognements. [Illisible].

Avez-vous reçu les 4 colis de riz-thé-café et poivre. Je l’espère pour vous, car cela vous apportera quand même un certain soulagement au point de vue ravitaillement. Je vous en enverrai quatre autres au début du mois de juillet. Faites-moi savoir le temps qu’ils auront mis pour arriver jusqu’à vous. Et chez vous, comment va la santé ? Est-elle bonne ? Mademoiselle Yvette doit être en train de passer son concours. Je lui souhaite bon courage et surtout grand succès. Le jardin rapporte-t-il toujours autant ?

Il est question pour l’instant de faire mouvement prochainement. Nous ne savons pas l’emplacement de notre nouveau cantonnement. En tout cas, ce que nous savons, c’est que les Viet-Minhs du coin peuvent se préparer à dérouiller ferme.

Le moral est excellent. Hier Saint-Jean, tous les officiers et sous-officiers du Peloton étions réunis de 20h à 23h30 autour d’une table garnie entre autre d’une dinde et d’un canard. Le pinard manquait, nous n’en touchons pas. Mais la gaîté était maîtresse. Nous célébrions la fête de deux sous-officiers de ma section et les noces d’argent de l’un de ceux-ci. Alors voyez-vous ?

Je termine cette courte lettre en vous demandant si vous avez revu le Cdt Henry et si vous avez des nouvelles de ma citation.

J’espère qu’elle vous trouvera en excellente santé. Je vous serre tous trois sur mon cœur et vous embrasse bien fort.

Serge

Sous-Lieutenant Jeandot Serge

5ème Compagnie

5.P. 53.342

Notes :

1Non localisé. Je ne suis pas sûr de l’orthographe (ou Mi Au, ou Mi Mu).

2Dans une lettre du 14 juin Serge parlait de ses accès de fièvre qui ressemblaient à des crises de paludisme, mais qui n’en étaient pas.

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