Lettre du 30 avril 1946

460430Ateliers de Di An (1), le 30 Avril 1946

Mes très chers parents, ma très chère sœur,

Aujourd’hui 30 Avril, nous fêtons à la Légion notre fête (répétition). Le 30 Avril 1863, à l’acienda dite Camerone, au Mexique, une compagnie type léger de la Légion (composée de 3 officiers et d’une soixantaine de légionnaires) tint tête à 2000 soldats mexicains, dont 800 fantassins et 1200 cavaliers. Les mexicains n’en vinrent à bout que lorsque la petite garnison française ne se composait plus que de quatre légionnaires. En mémoire de cet héroïque combat, les mexicains érigèrent un monument au lieu dit de Camerone, et encore de nos jours, lorsque des détachements de l’armée mexicaine passent devant ce monument, ils présentent les armes. Nous ne pourrons la fêter dignement pour plusieurs raisons: manque de pinard, région infestée de Viet-Minh (il nous faut donc rester sur nos gardes). Le peloton (composé de 2 sections) du Lieutenant Couhard (dont je fais partie) est cantonné depuis notre mouvement dernier aux ateliers de Di An (ateliers de la Compagnie Ferroviaire de l’Indochine) situés à 3 km environ du P.C., qui lui occupe le village de Di An. Nous sommes très bien installés, le dépôt étant situé sur un plateau nous avons un peu d’air frais, qui rafraîchit en fin d’après-midi l’atmosphère torride de ce climat tropical. La période des pluies doit commencer dans trois semaines. Espérons qu’il fera un peu plus frais.(…)

La nuit dernière fut assez mouvementée. Le Viet-Minh s’en vint chatouiller l’un de nos postes et après un combat d’une heure et demie ils se retirèrent. Nous ne comptons aucune perte de notre côté. Heureusement, c’était l’un des groupes de ma section qui était l’objet de cette petite visite tardive. Ils étaient munis d’armes automatiques (F.M. japonais) mais ils ont trouvé à qui parler. Nous nous attendions à cette attaque. Nous avions repéré dans le cours de la journée des rebelles en train de nous espionner. A part cela tout va très bien.

Et vous que devenez-vous ? J’attends toujours de vos nouvelles. Je sais bien que vous n’aimez pas écrire, mais enfin, Yvette par exemple pourrait bien penser de temps en temps à son frère qui ne se trouve plus à Villemomble pour lui en faire voir de toutes les couleurs.

Je vais terminer cette courte lettre en vous priant auparavant si possible de m’expédier de Paris une paire ou deux de pattes d’épaules dont modèle ci-dessous.

J’espère que cette courte lettre vous trouvera en excellente santé. Je vous embrasse tous bien fort

Serge

Sous-Lieutenant Jeandot Serge

5ème compagnie

S.P. 53.342

Notes :

1. Non localisé. Je ne suis pas sûr de l’orthographe (ou Mi Au, ou Mi Mu).

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