Willy POLLER, ancien prisonnier de guerre allemand

migrations_tem_pollerTémoignage recueilli par Alain Gagnieux les 5 et 25 juillet 2007 pour Étrangers de chez nous, L’immigration dans le Doubs et à Colombier-Fontaine (1850-1950)

 

Willy Poller naît en 1923 à Borby (aujourd’hui Eckernförde), dans le Schleswig-Holstein. Sa famille est protestante. Son père travaille dans le bâtiment puis est embauché vers 1937 dans une usine de fabrication de torpilles. Sa mère est issue d’une famille de pêcheurs. Willy a un frère et deux sœurs.

À la sortie de l’école en 1938, il entre en apprentissage chez un artisan pour y apprendre le métier de ferblantier-plombier.

Willy est mobilisé en novembre 1942. Après ses classes, il entre dans une école d’aviation où il apprend le chargement des bombes sous les avions. En 1943, il est affecté dans une unité de chasseurs lourds bimoteurs Messerschmitt Bf 110, où il est employé à l’entretien de l’armement.

Après un long périple – Munich, Trapani en Sicile, Rome, Brest en France, Linz en Autriche – il est fait prisonnier le 27 avril 1945 à Memmingen en Bavière par une unité de chars américaine. Il est alors évacué à Heilbronn, dans le Bade-Wurtemberg.

C’est alors que « la France réclamait des prisonniers ».

Willy Poller (au centre) en 1942 à l’école d’aviation

Willy Poller (au centre) en 1942 à l’école d’aviation

Willy se retrouve donc à Chartres, puis en février 1946 à Belfort, où il est affecté au nettoyage des casernes puis à la pose de rails de chemin de fer. Alors qu’il aurait dû accompagner ses camarades vers des chantiers de déminage, on préfère l’envoyer à Champagney dans le Doubs, où il travaille une dizaine de jours chez un ferblantier.

Son patron appréciait son travail et aurait bien voulu le garder. Mais en mars 1946, Willy est conduit à Rougemont où il retrouve une vingtaine de ses compatriotes, l’un employé comme boulanger, deux à la maçonnerie, d’autres dans une carrière voisine… Lui travailla comme ferblantier ; il réalisa notamment la couverture du clocher de l’église de La Chapelle-sous-Rougemont.

Le 6 octobre 1947, à Colombier-Fontaine, Willy signe un contrat d’un an avec l’entreprise Baumann, à l’issue duquel il obtiendra le statut de « travailleur libre ». Il retrouve alors une douzaine de ses compatriotes, eux aussi prisonniers de guerre, les uns travaillant comme menuisier, peintre, électricien, les autres comme maçon, chauffeur, manœuvre, ou encore ouvrier agricole dans la ferme de Walter Baumann à Villars-sous-Écot. À l’expiration de son contrat, il est effectivement libre et rentre chez lui en Allemagne. Mais il n’y trouve pas de travail. Comme il dispose d’un délai d’un mois pour revenir en France sans formalité, il décide de retourner sans attendre à Colombier-Fontaine. Et il réintègre la chaiserie Baumann en qualité de ferblantier. C’est alors qu’il rencontre Raymonde Devaux, originaire de Rang, avec laquelle il se marie en 1949. Son avenir est donc en France. Ils auront six enfants, trois garçons et trois filles [1].

Dans l’entreprise Baumann, Willy pratique d’abord son métier de base. Puis il est chargé des systèmes d’aspiration des déchets de bois (copeaux, sciures, etc.).

Willy Poller (3ème en partant de la gauche) en 1964 dans l’entreprise Baumann.

Willy Poller (3ème en partant de la gauche) en 1964
dans l’entreprise Baumann.

Avec les habitants du village, ce fut un peu dur au début. Mais il comprend ce que pouvaient ressentir à son égard les personnes ayant eu affaire aux soldats allemands. Toutefois, il n’a jamais eu de problème avec ses collègues de travail.

De ses compatriotes, seuls sont restés à Colombier-Fontaine Heinrich Lemke, Jean Muders et Kurt Hebert ; ils sont aujourd’hui décédés tous les trois.

Willy Poller a toujours gardé le contact avec sa famille restée en Allemagne, grâce notamment à de fréquents séjours au pays natal avec son épouse et ses enfants.

Notes :

1. En vertu de l’ordonnance du 19 octobre 1945 « portant code de la nationalité française » les six enfants de M. et Mme Poller étaient Français à leur naissance : « Art. 24. Est Français, sauf la faculté de répudier cette qualité dans les six mois précédant sa majorité : 1° L’enfant légitime né en France d’une mère qui y est elle-même née […] ».