Stanislawa CZYPLIS, immigrante polonaise à 8 ans

Propos recueillis par Alain Gagnieux le 9 mai 2007 pour Étrangers de chez nous, L’immigration dans le Doubs et à Colombier-Fontaine (1850-1950)Stanislava Czyplis.

Stanislawa est arrivée en France, à Voujeaucourt, en 1930. Elle avait huit ans. Son père, Stanislas, est alors embauché dans l’entreprise de fonderie et d’émaillage Scellier-Gauthier. En Pologne, il était contremaître chez un gros paysan. Il est parti parce qu’on lui disait que c’était mieux en France. Stanislawa dit : « Il s’est fait bourrer le crâne. Ma mère voulait pas venir, parce qu’elle était bien là-bas. Et ma foi, elle a suivi mon père ». Lui est arrivé en 1929, avec un contrat de travail. Il y avait une période d’essai d’un an. « La patron lui a dit que si ça allait bien au bout d’un an, il pourrait faire venir sa famille. Vous savez, dans ce temps, on ne rentrait pas comme ça en France, c’est pas comme maintenant ! ». L’employeur procure à la famille un logement dans l’actuelle rue du Maroc. Dans le quartier, il n’y a que des Polonais et beaucoup travaillent chez Scellier-Gauthier.

Stanislawa est allée à l’école de Voujeaucourt pendant trois ans. « C’était dur, le temps d’apprendre. J’ai

La famille Czyplis en 1930, année de son arrivée à Voujeaucourt - Au premier rang en partant de la gauche : Stanislawa et ses deux sœurs, Sophie et Mariana. Au deuxième rang, les parents de Stanislawa : Stanislas et Anna née Pupel. Au troisième rang, les demi-frère et sœur de Stanislawa, Bernard et Anna (coll. S. Czyplis)

La famille Czyplis en 1930, année de son arrivée à Voujeaucourt – Au premier rang en partant de la gauche : Stanislawa et ses deux sœurs, Sophie et Mariana. Au deuxième rang, les parents de Stanislawa : Stanislas et Anna née Pupel. Au troisième rang, les demi-frère et sœur de Stanislawa, Bernard et Anna (coll. S. Czyplis)

appris le français en à peu près un an. Les camarades de classe étaient méchants : « Sale Polac ! fous le camp dans ton pays ! », et puis tout ça. Mais on s’y fait. Que voulez-vous qu’on y fasse ? Les institutrices étaient gentilles. Il y avait pas de différence, elles s’occupaient de nous comme elle s’occupaient des autres. Mais les autres [adultes], ils étaient, comme on dit, racistes. Ils ne nous aimaient pas ! Ils nous insultaient : « Foutez le camp dans votre pays, vous venez manger notre pain ! », qu’ils nous disaient ». C’est seulement quand Stanislawa s’est mariée qu’elle n’a plus ressenti cette hostilité à son égard.

« J’ai commencé à travailler à Sainte-Suzanne au tissage Courant-Sahler. Pendant huit ans [1936-1944],jusqu’à la naissance de Robert. Quand le patron nous [elle et sa sœur] a embauchées, il a dit ‘pas de syndicat, pas de réunion, pas de manifestation, ou c’est la porte’. Il fallait choisir ». Stanislawa ne sait plus si cela concernait tout le monde ou seulement les étrangers.

Les Polonais restaient entre eux. « Qu’est-ce que vous voulez, on était rejeté, alors on s’est groupé là. Les parents avaient tous du boulot, et puis, ma foi, on s’occupait pas des autres ».

Malgré les quelques marques d’hostilité dont ils eurent à souffrir, les parents de Stanislawa se sentaient bien en France. Ils ne regrettaient pas la Pologne, « ils étaient bien là ! ». Ce que conteste son fils Albert, présent à l’entretien. D’après lui, le grand-père Stanislas se sentait encore Polonais, « il avait un accordéon et dansait comme les cosaques ».

On allait à la messe tous les dimanches. « Au début, c’était avec un prêtre polonais d’Audincourt. » Quand Stanislawa voulut épouser un protestant, Georges Blacky, ses parents lui interdirent de se convertir. Finalement, ils se marièrent selon le rite catholique, mais Stanislawa se convertit peu après au protestantisme. Le ménage partit à Montbéliard, puis revint en 1947 à Voujeaucourt, dans la même maison.

Stanislawa resta en contact avec sa famille restée en Pologne, notamment avec Bernard, son demi-frère. Lui n’avait jamais eu envie de venir en France. Il était cheminot et il était bien.

Stanislawa ne se sent pas Polonaise. « Je suis peut-être Polonaise, mais je n’ai pas de racines là-bas ! J’ai toujours vécu ici. Avant, je parlais, je lisais, j’écrivais polonais. Mais j’ai tout oublié ! Le peu de Polonais qui restaient à Voujeaucourt, ils sont tous morts. J’ai personne pour parler ma langue maternelle ».