La vie de l’entreprise

La période des fondateurs : 1900-1928

La période de 1900 à 1928 ne semble pas avoir été florissante pour le Tissage mécanique d’Orchamps (TMO). À la fin de la guerre de 1914-18, l’entreprise enregistre des pertes. En 1928 le capital de la société s’élève à 360 000 francs, alors qu’il était de 300 000 francs à la création – ces chiffres suggèrent ainsi une relative stagnation de l’entreprise durant près de trois décennies.

Les années 1930

Après le rachat de la société par la famille CUNY, les années 1930 sont marquées par la Grande Dépression qui touche la France à partir de fin 1931. Il faut alors adapter la production à la conjoncture.

L’unité de tissage d’Orchamps – qui vendait jusqu’alors sa production de tissu écru à des fabricants transformateurs – se met à produire et à commercialiser des articles finis destinés à la vente au détail.

Pendant la Seconde Guerre mondiale

L’activité du tissage ralentit considérablement : les effectifs diminuent de moitié [1] entre le début de la guerre et l’année 43 (2). Le coton est remplacé par la fibranne [3] et la rayonne [4]. Il faudra attendre 1948 pour que le coton redevienne la matière première de l’usine.

Cependant, les ventes au détail ont un grand succès malgré le contingentement par remise de points textiles [5].

Par ailleurs, la Pâte de Bois est absorbée en 1940 ; son activité n’était plus rentable depuis que l’on importait de la pâte de papier en provenance de la Scandinavie [6].

L’après guerre

La recherche de nouveaux débouchés est un souci permanent. Vers 1950, la moitié de la production s’écoule vers les colonies (Afrique Occidentale, Indochine).

Les années 1960

En 1955, la famille CUNY acquiert la Société Cotonnière de Dampierre. Cette dernière travaillera dorénavant à façon pour le TMO, ceux-ci assurant la commercialisation.

Peu à peu l’abondance revient. Mais avec la décolonisation, la perte des marchés africains et indochinois réduit dangereusement les débouchés de l’industrie textile française. Par ailleurs, la mode et l’apparition de textiles modernes amènent une évolution de la gamme. Il faut conquérir de nouveaux marchés.

Les cotonnades en tissus écrus [7] demeurent le produit de base des tissages d’Orchamps et de Dampierre, mais beaucoup d’articles disparaissent au profit de pièces plus larges (draps d’hôpitaux et toiles de tente), de l’enduction (simili cuir), de robes et pantalons de plage, etc.

Au printemps 1965, le TMO s’agrandit d’une salle de 1800 m² dans laquelle sont installés 84 métiers (dont 60 neufs) pouvant tisser en 192 cm de large, ce qui porte l’unité de production à près de 500 métiers (voir L’outil de production).

Les années 1970

En 1970, le TMO s’adjoint une filature. Le bâtiment est construit sur deux niveaux, et le matériel, dont la moitié vient de Suisse (Reiter ?), est pour l’époque le plus moderne. Dès 1971, cette nouvelle unité de production assure les 2/3 des besoins en fil des tissages d’Orchamps et de Dampierre.

Par ailleurs, 21 métiers à tisser modernes sont achetés : leur productivité est 2 à 3 fois supérieure aux anciens modèles.

La modernisation des installations et de l’outillage s’était opérée jusque là sans compression de main d’œuvre. Le nombre des métiers, tous automatiques, avaient plus que doublé en 20 ans. L’installation de la filature, bien qu’automatisée au maximum, entraîna l’embauche d’une trentaine de personnes.

Cependant, au milieu des années 1970, après avoir fait face à la concurrence des producteurs du marché commun, le TMO doit compter avec les pays du tiers-monde. En effet, l’augmentation des importations de cotonnades à bas prix est très préoccupante. Pour demeurer concurrentielles, les entreprises européennes sont contraintes de comprimer leurs coût salariaux. D’autre part, les progrès technologiques réalisés dans le matériel textile les obligent à renouveler constamment leurs équipements.

En 1979-1980 une grave crise secoue le secteur textile. Le TMO doit réaliser de nouveaux efforts de rationalisation et de modernisation. Or, les coûts des derniers investissements – la filature et les 21 métiers à tisser acquis récemment – sont très lourds et seule une reprise des affaires assurerait leur rentabilité ainsi que leur financement.

En 80 ans, le TMO avait évité de nombreux écueils, profitant quelquefois de la disparition de certains de leurs concurrents. Mais la crise de 1980 est plus grave que les précédentes. En effet, la situation est devenue intenable pour beaucoup d’entreprises françaises du secteur textile .

La Société Cotonnière de Dampierre doit fermer ses portes le 11 juillet 1980. Et le 29 mai 1981, le Tissage mécaniques d’Orchamps cesse définitivement son activité.

Notes :

1. Au début de la guerre, les hommes partent travailler comme bûcherons.

2. L’usine fut dans l’obligation d’accepter les commandes des Allemands et de fabriquer notamment de la gaze pour les pansements.

3. Textile synthétique à fibre cellulosique.

4. Fibre textile synthétique en viscose (substance à base de cellulose et de soude), synonyme de soie artificielle

5. La population du village a été quelque peu favorisée grâce au personnel du TMO qui bénéficiait de facilités d’approvisionnement en articles textiles.

6. Les droits de douane à l’importation avaient été considérablement réduits en 1928.

7. Le coton écru (non blanchi), que l’on peut considérer comme un produit semi-ouvré, est d’un usage très vaste et très divers : on l’utilise en pharmacie (compresses, pansements…), il sert de base à un revêtement de chlorure de vinyle (skaï, similicuir…), on le retrouve dans des articles de camping (tentes, matelas pneumatiques…), dans l’industrie (isolants de câbles électriques, pneumatiques…)… La liste n’est pas limitative.

=> Le personnel