(D)Écrire la mine

le corps entre indicateur et ressource (Noël BARBE)

Paru dans Exercices sociologiques autour de Roger Cornu – Dans le chaudron de la sorcière, coordonné par Emmanuelle Dutertre, Jean-Bernard Ouedraogo et François-Xavier Triviere, L’Harmattan, 2005, p. 117-139.
Dès qu’il est saisi par l’écriture, le concept est cuit.

Jacques Derrida

[…] nous avons décidé de faire publiquement, au cœur du pays minier un vrai procès

qui posera la vraie question : 16 mineurs sont morts, qui sont les coupables.

Jean-Paul Sartre, Appel pour un tribunal populaire, 1970.
En 1998, dans un article portant sur le traitement sociologique de l’incorporation des gestes et des postures dans l’apprentissage, Roger Cornu souligne que le corps est « bien trop oublié dans un certain nombre d’analyses »[1].

mineur_steleC’est à cette question de la prise en compte du corps des acteurs par les sciences sociales [2], mais aussi par les acteurs, que nous voudrions contribuer par un double déplacement en nous intéressant à la façon dont le corps du mineur est saisi par différentes écritures, pour contribuer à définir un univers de travail. Constituant le corps pour évoquer et définir ce monde souterrain qu’est la mine de houille, les écritures examinées seront tout d’abord lettrées et épaisses parce que généralisantes. Puis nous nous intéresserons aux écritures praticiennes visant à donner un sens à des situations particulières, en ce qu’elles suivent immédiatement des catastrophes minières. Ce sera alors, second déplacement, de corps concrets dont il s’agira, dans la mesure où ce sont bien ces corps-là qui « dans l’existence des vivants » [3] et sont constitués en ressources.

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Monument à la mémoire des mineurs morts lors de la catastrophe du puits de l’Étançon (Ronchamp), Cl. N. Barbe, 2002.

Monument à la mémoire des mineurs morts lors de la catastrophe du puits de l’’Étançon (Ronchamp), Cl. N. Barbe, 2002.

Plan :

1. Le corps comme présence de la mine

1.1. Le corps soldat

1.2. Le corps signe social

1.3. Le corps éprouvant

1.4. Le corps comme équipement technique

2. Faire parler les corps ou la scène qualifiée par la présence des corps

2.1. Première configuration : un drame, des victimes et des secours, un manque

2.2. Seconde configuration : un spectacle, des signes et des lecteurs, une attribution des causes

2.3. Retrancher les corps sur le réseau productif

3. Retour

4. Bibliographie

Notes :

1. R. CORNU, Mon corps c’est ma mémoire, Les Territoires du Travail, 1, p. 87. Ce texte se conclut par une réflexion sur ce que l’on pourrait nommer le réductionnisme technologiste des opérations de conservation des savoir-faire. Nous avions envisagé dans un premier temps de livrer pour ce volume une réflexion revisitant cette question des « savoir-faire » et de leur « conservation », tant d’un point de vue théorique que de celui de notre posture de conseiller pour l’ethnologie. Partie remise… Pour des réflexions antérieures et provisoires, cf. N. Barbe, Quelques réflexions d’un ethnologue sur les savoir-produire industriels, Cahiers du travail social, 1996, 32, p. 47-53.

2. Cf. par exemple, à propos du corps du patient et des approches qui l’ignorent, M. CALLON et V. RABEHARISOA, De la sociologie du travail appliquée à l’opération chirurgicale : ou comment faire disparaître la personne du patient ?, Sociologie du travail, 1999, 41, p. 143-162.

3. Pour reprendre Tobie NATHAN et son déplacement de « la mort » vers « les morts ». Cf. T. NATHAN, Le mort et son représentant in : F. DAGOGNET et T. NATHAN, La mort vue autrement, Le Plessis-Robinson, Institut Synthélabo, 1999, p. 101. Ce texte est repris dans T. NATHAN, Nous ne sommes pas seuls au monde, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond/Le Seuil, 2001.