« … ce soleil qu’on disait qui ne venait pas »

De la lampe de mine et de ses compétences (Noël BARBE)

Note de recherche parue en 1995 dans Utinam. Revue de sociologie et d’anthropologie (13), p. 87-97

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Le marin tout au loin lugubre se désole

De naviguer si près du bout de l’infini,

Car il ne connaît pas le mineur endurci

Qui fonce aveuglément dans la fosse des nuits

Raymond QUENEAU

 

 

“ Ma lampe est un soleil, tous mes jours sont des nuits ” dit une chanson de mineurs belges (J. Michel 1993 : 23). Autour de la lampe de mine se jouent de multiples parties. Liée à un individu, elle est, au fond de la mine, garant de la vie de celui qui la porte ; témoigne de son absence à la lampisterie en cas de catastrophe[1]. Elle sert également de pointeuse : les horaires de travail se calculent “ de la lampe prise à la lampe rendue ”. Son mouvement, aperçu dans un travers-banc ou un fonçage, manifeste de celui des hommes. “ Du qu’es lampe al passe, l’ouvrier passe ” dit le père d’Augustin Viseux (1991 : 95). Chaque mineur connaît le numéro de sa lampe, même longtemps après le départ en retraite. Sans lampe on n’est rien disent souvent les anciens mineurs. Anciens mineurs, parce que nous parlerons ici à partir de données concernant la région de Ronchamp, bassin minier du nord de la Franche-Comté, où toute activité liée à la houille a cessé en 1958. Mais cela pourrait se dire de nombreux sites miniers fermés ou à la fermeture programmée, ainsi qu’au regard de nouveaux modes d’exploitation tels l’extraction à ciel ouvert ou la gazéification. La lampe de mine prend alors place sous différentes formes -porte-clefs par exemple à Blanzy- dans la panoplie des objets à vendre de la boutique du musée. La lampe est emblématique. Elle est posée à côté de la barette et du pic dans les panoplies d’outils ou dans les décors des intérieurs mineurs. Elle figure sur les bannières et les papiers à en-tête syndicaux. Elle donne forme ou s’insère dans des compositions monumentales à la gloire du mineur. Une stèle édifiée. à Ronchamp en 1976 par l’Amicale des Houillères lui emprunte son profil. Dans la mythologie du mineur comme avant garde du prolétariat[2], elle est le symbole de la marche vers le socialisme. Lors de la grande grève des mineurs des Asturies, en 1963, Jorge Semprun écrit :

“ En attendant, la lampe des mineurs éclaire un chemin d’avenir : lumière d’avant-garde ”[3]. Mais autour de la lampe de mine -ou plutôt des lampes de mines- se joue également une “ partie de compétence ”. Le fond de la mine, c’est tout d’abord la nuit et la noirceur de la matière qui amènent les novices à se cogner au toit, à se blesser contre les parois, à marquer au charbon leur corps de façon quasi-indélébile. “ On s’enfonce dans une galerie. La nuit s’y fait, les lampes qu’on porte éclairent fort peu. (…) Les lampes petites , les formes s’agitant dans la nuit fumeuse, au fond de cette tranchée béante et noire ” écrit Zola, relatant sa descente dans la fosse Renard à Denain en 1884 (E. Zola 1986 : 459-462). Dans cette nuit qui est, lors de la première descente, évoquée en des termes suggérant l’image bachelardienne du labyrinthe qui blesse (G. Bachelard 1948 : 185, 228), la première fonction de la lampe est d’éclairer.

Mais dans les mines de houille, cette fonction doit composer avec un danger qui mettant en jeu sa vie à chaque descente, a participé à la construction de la mythologie du mineur, le grisou :

“ Il n’est pas de météore, quelque terrible qu’on le suppose, qui puisse être comparée à une inflammation de grisou. Que l’on imagine un de ces fléaux du ciel qui semblent avoir été inventés par la nature pour le châtiment des hommes, un coup de foudre, un ouragan, un cyclone, une trombe, brûlant, renversant, détruisant tout sur leur passage, et l’on sera encore au-dessous des effets que peut produire une explosion du gaz des mines. Un coup de canon chargé à la mitraille et tiré à bout portant sur une compagnie ; une poudrière prenant feu au milieu d’un corps d’artificiers ; un gazomètre éclatant dans une usine, peuvent donner à peine une idée d’une inflammation de grisou surprenant tout à coup les mineurs ” (L. Simonnin 1857 cité par Plessy et Challais 1984 : 183).

A Courrières, le 10 mars 1906, 1099 mineurs meurent dans un “ coup de grisou ” qui restera longtemps le symbole des dangers de la mine.

Le grisou est du méthane, qui naît de la décomposition des végétaux à l’époque carbonifère. Concentré dans le charbon et les terrains environnants, il s’échappe pendant l’abattage du charbon pour se diluer dans l’atmosphère de la mine. Au-delà d’une concentration de 5%, il s’enflamme et devient détonnant en présence de l’oxygène de l’air et d’une flamme. La nécessité d’éviter une telle concentration est l’un des fondements d’un composant important du système technique de la mine : l’aération ou l’aérage. L’aérage peut être “ naturel ” par l’aménagement de sa circulation, à l’aide de portes, de cheminées, de faux plafonds, de doubles galeries, de tuyaux. Les mineurs jouent alors sur les différences de pression ou de température entre les entrées de la mine.

mine_lamp3L’aérage naturel peut être “ amélioré ” par l’installation de sources de chaleur qui en modifiant les pressions aident au mouvement de l’air : c’est par exemple le système du “ toc-feu ” employé à Ronchamp en novembre 1825, pour pallier à un dégagement de “ gaz inflammable ” dans les travaux du Sentier. Le toc-feu placé dans la cheminée du puits d’aérage doit permettre “ d’activer la circulation de l’air dans cette partie de la mine ”. Il peut aussi être forcé au moyen de ventilateurs qui seront successivement mus par l’énergie hydraulique, la machine à vapeur puis l’électricité. Dans certains cas, comme à Ronchamp après la catastrophe de 1824, les galeries sont inondées pour faire sortir le grisou que l’on brûle à sa sortie à l’air libre. Dans les recoins ou dans les tailles mal aérés ou sans retour d’air, l’évacuation du grisou fut parfois plus “ artisanale ” : on “ dépourre ” en agitant les habits -veste ou chapeau le plus souvent-, on utilise un petit ventilateur portatif à manivelle qui portait le nom de “ papillon ” à Ronchamp (Mougenot 1977 : 14). Et puis il est un autre moyen plus radical qui consistait à faire exploser le grisou pour purger les galeries. Apparaît ici la Figure de “ pénitent ” ou “ canonnier ” qui avançait seul dans la mine vide, de nuit :

“ Roulé dans une couverture de laine ou de cuir, la figure protégée par un masque, la tête couverte par un linge analogue à la cagoule des moines, il rampait sur le sol pour se tenir autant que possible dans la couche d’air respirable. Il tenait d’une main un long bâton, au bout duquel était une chandelle allumée. Et il allait seul, perdu dans ce dédale empoisonné, provoquant les explosions par l’approche de la lampe, et décomposant ainsi le gaz pernicieux. On l’appelait le pénitent, à cause de la ressemblance de son costume avec celui des ordres religieux, et ce mot semblait en même temps dicté par une dérision amère, car souvent le pénitent, victime sacrifiée d’avance, ne revenait pas, emporté par l’explosion ” (L. Simonnin 1857 cité par Plessy et Challais 1984).

 

Jules Verne dans Les Indes Noires en donne également une description, illustrée par les dessins de J Férat et les gravures de Ch. Barbant :

“ … le pénitent, la face masquée, la tête encapuchonnée dans son épaisse cagoule, tout le corps étroitement serré dans sa robe de bure, allait en rampant sur le sol. Il respirait dans les basses couches, dont l’air était pur, et, de sa main droite, il promenait, en l’élevant au-dessus de sa tête, une torche enflammée. Lorsque le grisou se trouvait répandu dans l’air de manière à former un mélange détonant, l’explosion se produisait sans être funeste, et, en renouvelant souvent cette opération, on parvenait à prévenir les catastrophes. Quelquefois, le pénitent, frappé d’un coup de grisou, mourait à la peine. Un autre le remplaçait ” (J. Verne [1992] : 70)

Tout au long du XIX siècle et jusqu’à l’adoption de la lampe électrique portative dans les années 1920, l’histoire de la lampe de mine est placée sous le signe de la lutte contre le grisou d’une part, des catastrophes successives d’autre part.

Le premier type de lampe employée à Ronchamp pour travailler dans les travaux du fond est la lampe dite “ lampe rave ” ou “ La stéphanoise ”. C’est une lampe à feu nu, la flamme n’étant pas isolée de l’atmosphère dans laquelle elle se trouve. Elle est interdite à partir du 1er juillet 1824, à la suite de la catastrophe du puits Saint Louis, qui fait 20 morts et 16 blessés par une explosion de grisou provoqué par le contact entre la flamme de la lampe et le gaz. Les ouvriers devront se servir lampes dites à la Davy ou Davy. L’État prescrit le 21 janvier 1826 l’usage exclusif de lampes de sûreté sur le bassin houiller de Ronchamp-Champagney[4].

Avec la lampe Davy, la flamme n’est plus directement au contact de l’air mais enfermée dans une toile métallique. Trois barres métalliques elles-aussi, protègent ce treillis des chocs. Son inventeur est Humphry Davy, chimiste britannique. Tout repose sur le principe de conductibilité des métaux et le maillage du treillis : il faut qu’il soit assez large pour que l’air arrive jusqu’à la flamme et assez serré pour refroidir les gaz brûlés afin qu’ils n’enflamment pas le grisou. Les fils métalliques ne doivent pas être trop fins pour ne pas s’échauffer trop vite et perdre ainsi leurs propriétés réfrigérantes. Par ailleurs si l’atmosphère est explosive, le gaz inflammable va brûler dans le treillis et “ l’inflammation ne se communique point à l’air qui environne la cage ”[5]..

mine_lamp2Cette lampe est même posée comme utile pour déceler la présence de grisou :

“ La lampe de sûreté devient un régulateur pour le mineur ; par elle il peut explorer toutes les parties de la mine où il existe du gaz inflammable, et l’état de la flamme lui indique jusqu’à quel point l’air est vicié ”.

Aussitôt que le gaz inflammable se trouvera mêlé à l’air atmosphérique, la flamme de la lampe s’agrandira.

Au-delà de Ronchamp, le 10 mai 1824, dans une circulaire à tous les préfets, le Directeur Général des Ponts et Chaussées et des Mines “ ordonne (…), l’emploi exclusif des lampes de sûreté dans des mines qui avaient été le théâtre d’événements malheureux occasionnés par l’impéritie ou par l’imprudence, et où il était dangereux de conserver le mode d’éclairage ordinaire ”.

L’emploi de la lampe Davy se généralise donc dans les mines françaises. On pourrait croire le problème réglé et clore là l’histoire des coups de “ feu grisou ” ronchampois. Mais ceux ci se multiplient. Au puits Saint Louis, une explosion fait le 31 mai 1830 28 morts et 5 blessés. Constant Lamboley trouve la mort et trois de ses compagnons sont blessés le 30 mars 1849 au puits Saint Charles. Dans le même puits une explosion de grisou fait 8 morts et 5 blessés le 29 janvier 1857. La même cause provoque la mort de 30 mineurs, le 10 août 1859 dans la partie Est des galeries du Puits St Joseph et de 16 mineurs le 1er septembre 1879 dans la galerie d’avancement du puits du Magny. Le 24 juin 1886, une nouvelle explosion fait 23 morts au puits Saint Charles.

Que dit-on de ces catastrophes, de ces blessés et de ces morts ?

En 1849, on parle de l’imprudence de l’ouvrier Lamboley :

“ Une explosion dans les circonstances où ces ouvriers se trouvaient placés ne peut s’expliquer que par une extrême négligence et une désobéissance formelle aux ordres qui leur sont donnés journellement. (…) ils étaient chargés d’enlever des déblais placés sur le plancher établi sur le puits inférieur au Stock sous lequel on présumait qu’il se trouvait du gaz hydrogène. Lorsque ces déblais ont été enlevés, ils ont enlevé deux planches de ce plancher et ont probablement laissé tomber une lampe à feu découvert dans le puits inférieur ce qui a déterminé l’explosion ou bien ont ils eu l’imprudence d’introduire une lampe pour éclairer sous le plancher, c’est ce qu’on ignore pour le moment. Mais dans aucun cas ils devaient avoir ces lampes découvertes conformément aux ordres rigoureux qui leur étaient donnés chaque jour. ”

En 1857, on accuse un mineur de s’être endormi, laissant ainsi le feu traverser sa lampe :

“ (…) il est à remarquer que le corps de cet homme était étendu dans la position d’une personne endormie (…) Il est à présumer que la lampe abandonnée à elle même par son maître endormi se sera remplie de gaz et que les parcelles de houille en s’enflammant auront déterminé l’explosion. “

En 1859, des mineurs sont accusés en se battant d’avoir provoqué l’explosion de grisou par détérioration de leurs lampes :

“ La position dans laquelle on l’a trouvé [le mineur Sauvageot] avec les deux autres personnes, donne à penser , jusqu’à présent du moins, qu’il était effectivement en lutte avec son camarade et que cette lutte peut avoir causé l’explosion. Les lampes de ces deux ouvriers paraissent ne donner aucun indice à cet égard, on n’a pas encore trouvé celle du chef de poste. ”

En 1879, la catastrophe a peine arrivée , le secrétaire général de la préfecture écrit au ministre de l’intérieur :

“ On ignore la cause de l’accident, qu’on peut attribuer à l’imprudence d’un ouvrier ou à une lampe cassée ”.

En 1886, la question du rallumage d’une lampe au fond de la mine, par un mineur est posée, alors qu’un poste de rallumage est installé à la base du puits.

En 1890, un système de fermeture est mis au point : ”la fermeture au rivet de plomb ” : un rivet de plomb au lieu d’une vis condamne l’ouverture de la lampe qui ne peut se faire sans couper le rivet ou briser une partie de la lampe. Tout rivet brisé peut entrainer une sanction pouvant aller jusqu’au renvoi. En 1902, ce mode de fermeture devient électro-magnétique.

Ce parcours des lampes de mine qui peut être caractérisé par le passage des lampes à feu neu aux lampes dites de sûreté et par l’adjonction d’un procédé “ inviolable ” de fermeture, est intéressante du point de vue de la notion de compétence à deux titres.

Pour paraphraser Bruno Latour (1993 et 1994), l’histoire des lampes de mine révèle des déplacements de compétence d’humain à non-humain. Jusque là, les rapports d’ingénieur mettent en avant les sens humains pour détecter le grisou. Le gaz était repéré par les hommes à l’odeur, au bruit, aux effets sur les yeux :

“ nous avons acquis la certitude par le picotement que nous avons éprouvé aux yeux, par l’odeur particulière que nous avons ressentie & par le bruissement que nous avons entendu que le gaz se degageoit fort abondamment ”.

La lampe Davy est désormais compétente pour cela. L’état de la flamme indique la présence du grisou et le seuil du danger. Avec l’apparition de la lampe de sûreté, les relations entre les ingénieurs des mines et les mineurs sont balisées désormais en terme d’opposition entre savoir et ignorance. L’imagerie de l’époque représente Davy descendu au fond de la mine pour expliquer le maniement de sa lampe aux mineurs. Elles renvoient les pratiques de ceux ci du côté de l’obscurantisme. La responsabilité de la catastrophe de 1830 au puits Saint Louis est attribuée à un mineur qui peut être aurait voulu faire brûler le grisou. Cette pratique d’un mineur que l’on peut situer dans la lignée du Pénitent est désormais présentée comme sans fondement, hérétique par les ingénieurs des mines.

Objet technique, objet social, la lampe de mine est aussi objet politique. Le tamis n’est pas seulement protection contre le grisou il est aussi le dispositif matériel qui renvoie a priori, pour avoir négligé l’état de la flamme ou pour avoir ouvert ou endommagé leur lampe, la responsabilité des coups de grisou aux mineurs. Après chaque catastrophe les enquêtes portent sur l’état des lampes, plus que sur celui de l’aérage placé sous la responsabilité de la Direction et des ingénieurs. De la même façon, le rivet au plomb s’intègre dans une microphysique du pouvoir. Manifestation physique de la loi de l’État et du règlement des Houillères de Ronchamp, il contraint les mineurs à ne pas ouvrir la lampe et à rompre avec leurs anciennes pratiques, sous peine d’amendes et de renvoi. Objet moral enfin dans le sens où elle attribue rôle et responsabilité (M. Akich 1987 :33), la lampe de sûreté indique aux mineurs qu’ils sont les propres acteurs de leur mort au travail.

Par sa configuration technique même, la lampe fabrique du sens. Pleine d’hommes (B. Latour, 1993 :33), elle incorpore des savoirs sociaux, des codes de conduite. A la considérer, à s’interroger sur un tamis ou un rivet, nous voilà renvoyés aux relations sociales, politiques et morales, aux partages des compétences.

Enfin l’histoire des lampes de mine pose de façon anthropologique la question de la compétence. Comment faut-il l’appréhender ? Comme J. Merchiers et P. Pharo (1990 et 1992) qui distinguent dans leur analyse compétence et connaissance, dimension sociale et dimension cognitive. Les connaissances concernent pour eux les processus cognitifs qui ordonnent l’activité et ses rapports à la réalité. La compétence concerne les jugements de validation. Les activités compétentes sont “ heureuses du fait du succès qu’elles rencontrent dans le jugement d’autrui ”. Ce type d’analyse pourrait très bien s’appliquer aux lampes de mine. Les lampes Davy étaient compétentes parce que procédé socialement validé par le savoir savant. Par contre l’état des savoirs de l’époque expliquerait leur moindre efficacité. De plus elles furent abandonnées plus tard au profit d’autres modèles réputés plus efficaces donc plus compétents. Comme les tenants du “ programme fort ” de la sociologie des sciences tant dans sa version faible qui suppose la science guidée par ses déterminants sociaux (Kuhn) que dans sa version forte qui voit dans la science une culture comme les autres, avec des énoncés ni plus ni moins rigoureux (Latour).

A distinguer social et efficacité technique, il nous semble que nous sommes condamnés à l’ethnocentrisme et à l’incompréhension : la compétence est renvoyée uniquement du côté de l’illusion sociale, le mouvement des techniques à une progression vers l’ultima ratio. En termes latourien, on pourrait dire que l’arrivée des lampes de sûreté déplace la vision des limites nature/culture. Le grisou passe du côté du physique, scientifiquement géré dans le domaine du vrai. Le faux, la catastrophe sont renvoyés du côté du social. C’est ici, montrer à quel point objets techniques et cadre de pensée sont liés, renouer avec les principes de distanciation méthodologique et d’études des réseaux ailleurs comme ici. N’y a-t-il pas continuité entre la gestion de la flamme de la lampe et celle des mines ? Le même principe de clôture, d’isolement est à l’œuvre : clôture de la flamme, isolement de tous les instruments réputés dangereux (lampisterie, dépôt d’explosifs…) en des lieux et mains définis et porteurs de signes, circonscription légale de la gestion des mines. “ Les bororo sont des arara ”… histoire connue.

 

Notes :

[1] Lors de la catastrophe de 1886 à Ronchamp, les sept derniers cadavres de mineurs remontés furent identifiés par le numéro de leurs lampes.

[2] Cette image fut successivement portée par les Républicains, les socialistes principalement guesdistes, le Parti Communiste Français et la Confédération Générale du travail. Cf. sur ce point B. Mattei 1987, pp. 268-269.

[3] Ce texte est publié avec ceux d’autres intellectuels, ainsi que des dessins d’artistes dans un volume collectif en 1964: Asturias. Le produit de sa vente était destiné aux mineurs des Asturies engagés dans une longue grève dont les revendications étaient de meilleures conditions de travail mais aussi sous le régime franquiste, la liberté syndicale et le droit de grève. On peut dans la préface lire: “Chacune de ces pages est un cri qui va s’ajouter à tous les cris de l’Espagne, à cette clameur nationale qui demande la liberté, la démocratie claire et féconde que revendique un grand peuple”.

[4] Certaines dérogations seront accordées comme en 1835 dans le puits Henry IV. Des infractions seront également commises comme l’emploi de lampes à feu nu en avril 1828 dans le puits n°1.

[5] Journal des Mines (228), décembre 1815, page 465 sq.;Annales des Mines, 1ère série, Tome 1er, 1816, pp. 182sq..

 

Sources écrites :

Archives Départementales de la Haute Saône

19 J 41, 19 J 42, 19 J 45, 19 J 48

52 M 3

299 S 22, 299 S 25

Archives de la Maison de La Mine de Ronchamp

A 30, A 125, A 80

Références bibliographiques :

1964 Asturias, Paris : Cercle d’art

– AKRICH, M., Comment décrire les objets techniques ?, Techniques et Culture , 1987, (9), p. 49-64.

– BACHELARD, G., La terre et les rêveries de repos, J. Corti, 1948.

– LATOUR, B., Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, La Découverte, 1991, et  La clef de Berlin et autres leçons d’un amateur de science, La Découverte, 1993.

– MATTEI, B., Rebelle, rebelle ! Révoltes et mythes du mineur 1830-1946, Champ Vallon, 1987.

– MERCHIERS, J., PHARO, P., Compétence et connaissances expertes. Propriétés publiques et cognitives-pratiques, Sociétés contemporaines, 1990, (4), p. 89-108 , et Éléments pour un modèle sociologique de la compétence d’expert, Sociologie du travail, 1992, (1), pp. 47-63.

– MICHEL, J., La mine dévoreuse d’hommes, Gallimard, 1993.

– MOUGENOT, M. dit “ Le Galibot ”, La mine d’autrefois des Houillères de Ronchamp, Plancher-Bas, 1977.

– PLESSY, B. , CHALLET, L.,  La Vie quotidienne au temps de Germinal, Hachette, 1993.

– VISEUX, A., Mineur de fond. Fosses de Lens. Soixante ans de combat et de solidarité, Plon, 199.

– VERNE, J., Les Indes Noires (1ère ed. 1877), Librairie Générale Française, 1992.

– ZOLA, E., Carnets d’enquêtes. Une ethnographie inédite de la France, textes établis et présentés par H. Mitterand, Plon, 1986.