Guy GAGNIEUX

Guy GAGNIEUX, mon père

famille_GagnieuxGuyXavier_vers 1964Né à Pithiviers le 19 avril 1926. Décédé le 20 septembre 1965 à Paris 20e.

Fils de François Xavier GAGNIEUX (1875-1938) et d’Alice LIEBENGUTH (1895-1953) − Gardien de la Paix − Marié avec Yvette JEANDOT (1928-1965) le 10 juillet 1948 à Villemomble (93) => Voir ma généalogie

J‘ai tenté de reconstituer son histoire dans Le chemin du purgatoire (L’Harmattan, 2013). En voici quelques extraits :

Sous l’Occupation allemande

Guy a vécu son adolescence dans un quartier à cheval sur Bondy et Villemomble, là où la ligne de chemin de fer Bondy-Aulnay rejoint celle de Paris-Meaux.

Comment l’Occupation a-t-elle été vécue par les Gagnieux dans ce coin de la banlieue est de Paris ?

Dans un ouvrage sur la Résistance en Seine-Saint-Denis, on peut lire qu’en juin 1940 près de deux millions de Parisiens et de banlieusards quittèrent leur domicile en catastrophe, et que ce fut le cas notamment de ceux de Bondy. Guy n’a jamais évoqué cet événement, pourtant considérable, qui se produisit alors qu’il avait 14 ans. Même silence en ce qui concerne les actions de la Résistance, celle-ci étant pourtant active dans son quartier. En effet, en juillet 1942 les Bondynois ne peuvent ignorer l’incendie par des FTP d’une usine fabriquant des baraquements en bois pour l’armée d’occupation ; ni en janvier 1944, les inscriptions au goudron hostiles aux Allemands qui couvrent les murs de nombreux immeubles. Et la Libération de Bondy se fit-elle si discrète qu’on ne s’en rendit pas compte ? J’en doute, car les 6 et 9 août 1944, non loin de chez Guy, la voie ferrée Bondy-Aulnay est coupée puis sabotée par un corps franc du réseau Armand-Spiritualist ; le 18 août, la mairie de Bondy est prise d’assaut par des résistants ; le 26, alors que des Américains entrent en ville, deux chars allemands manœuvrent rue Pollissard et tirent au hasard. Pendant ce temps – du 17 au 27 août – non loin de là, à la Fosse-aux-Bergers et à la mairie de Villemomble, Serge Jeandot, le futur beau-frère de Guy, se distingue à la tête d’une escouade de FFI…

Sur ces années vert-de-gris, autant mes grands-parents maternels – domiciliés tout près de la famille Gagnieux – auront moult récits, commentaires et anecdotes…, autant Guy restera muet.

Alors, qu’a donc fait mon père au cours de cette sale période ? Quels ont été ses 14 à 18 ans ? […]

Le chemin du purgatoire, p. 25-27

Chez les CRS

famille_GagnieuxGuy_1950 en uniformeQuelles furent ses missions avec ses collègues de la 3e CRS ? A-t-il participé aux opérations de maintien de l’ordre lors des grèves insurrectionnelles de 1947 ? Ou en décembre 1953, a-t-il été mobilisé pour encadrer l’élection du président de la République, comme le furent pendant sept jours 1 400 CRS, 1 500 gardes républicains, 500 agents de police et des soldats du 3e Régiment d’Infanterie ? Je n’en ai aucune idée. Seul me reste le souvenir qu’il fut sur les lieux du crash de l’avion du pilote d’essai Constantin Rozanoff, à Melun le 3 avril 1954, d’où il rapporta un petit débris métallique de l’avion qu’il conserva longtemps comme un talisman.

Et à la fin de l’année 1954, il y aura l’Algérie […]

Le chemin du purgatoire, p. 43

Confusions de la mémoire

famille_Gagnieux_vacances 1960Cet été 1960, mes parents nous ont rejoints ensemble à Saint-Usage, ce que confirme la photo prise par Lucien dans la cour. Nous sommes tous là au complet, Guy en chemise blanche et cravate, Yvette et les quatre enfants en tenue de vacances. Mon père est sur le point de quitter Saint-Usage pour prendre son service. J’ai crû longtemps que cette photo avait été prise lorsqu’il s’apprêtait à partir pour la « Suisse », réquisitionné pour le service d’ordre qui avait été mis en place autour des négociations avec le FLN. Or me voilà encore contrarié par une de ces confusions de ma mémoire entretenues pendant plusieurs décennies. D’une part, les premières négociations avec le FLN n’eurent lieu qu’en 1961, et à Lugrin près d’Évian. D’autre part, cette photo a bien été prise dans le courant de l’été 1960 ; ce que confirme la comparaison avec une photo des vacances de l’été suivant – formellement datée, elle.

Le chemin du purgatoire, p. 75

2 octobre 1961, l’accident

N’est-ce pas arbitraire de marquer la césure ici, alors que de signes avant-coureurs en éclats de toutes sortes, la dégringolade a commencé depuis longtemps déjà ? Certainement. Mais cette histoire ne peut avoir de sens que celui que je lui donne. Aussi, sa construction appelle-t-elle un avant et un après, avec des accomplissements et des points de rupture, le tout dans un enchaînement lisible et cohérent des événements. Je fais donc ce choix discutable, celui de faire de cet accident la charnière de la vie de mon père. Car Guy a été sérieusement amoché. Et je suis porté à croire que cet accident va amplifier son mal-être, ses rancœurs, et surtout décupler une addiction à l’alcool qu’il aurait contractée – aux dires de son beau-père – en Algérie.

Ce que j’en vois sur le moment, c’est ce plâtre qui lui enserre entièrement le buste, bras droit compris, ainsi qu’une légère paralysie faciale du côté gauche. Je l’avais déjà accompagné dans ses « tournées ». Or, maintenant et plus qu’avant, il a besoin de mon assistance. En particulier lorsque la taille de son pantalon glisse sur son plâtre et qu’il a besoin de réajuster sa ceinture […]

Le chemin du purgatoire, p. 79

Où était-il ce 17 octobre 1961 ?

En cette fin d’été 1961, on est en phase terminale de la guerre d’Algérie. Or, la perspective de l’indépendance des Algériens exacerbe plus les tensions qu’elle ne suscite l’apaisement. Le putsch du « quarteron de généraux en retraite » est certes derrière nous. Mais à présent, le FLN organise et perpètre dans l’Hexagone l’assassinat de policiers. En réaction, les collègues des victimes redoublent de violence à l’encontre de la population d’origine algérienne.

Période trouble et sinistre qui va atteindre son paroxysme le 17 octobre et se prolonger jusqu’à la fin de l’année. C’est sur cet événement que je veux m’arrêter, car les quelques films que j’ai pu en voir montrent des policiers qui, avec képi, ciré noir et bâton blanc, ressemblent trop à Guy pour que je ne cherche pas à savoir si lui, mon père, a participé à cette barbarie policière […]

Le chemin du purgatoire, p. 82