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								heures 30. Heureux de quitter cette 
								chambre d'hôtel qui suinte de partout malgré le 
								ventilateur qui tourne sans discontinuer. 
								 
								
								
								Nous rejoignons la gare routière à pied. Sur 
								notre chemin, un homme plutôt âgé, grand pour un 
								Vietnamien, se fige devant moi. Je lui fais un 
								"bonjour" de la tête, en me penchant vers l'avant, comme il se doit 
								ici. Mais lui, avec un sourire ironique, me 
								répond par une inclinaison de la tête... de côté 
								! 
								Peut-être aurions nous dû voir là un mauvais 
								présage pour la journée...  
								
								Le 
								bus pour Lan Son (à 123 km) est bien là. Nous 
								sommes les premiers. Dans l'attente d'autres 
								passagers, nous patientons plus d'une heure 
								avant le départ. 
								
								A 
								la sortie de Cao Bang, de petites rizières et 
								des cahutes en bois, puis une route très 
								encaissée. C'est la fameuse RC 4 (route 
								coloniale n° 4) qui, pendant la guerre 
								d'Indochine, permettait à l'armée française de 
								contrôler le trafic entre la Chine (soutien du 
								Vietminh à partir de 1949) et le Haut-Tonkin. 
								Or, cette liaison de Cao Bang à Lan Son, propice 
								aux embuscades, était couteuse en hommes et en 
								matériel. Aussi, à l'automne 1950, l'état-major 
								décida-t-il  d'abandonner cette position et 
								d'évacuer Cao Bang. Ce fut un désastre 
								militaire, notamment à Dong-Khé où sept 
								bataillons français furent décimés par le 
								Vietminh. En parcourant cette route, on se 
								rend compte à quel point les colonnes françaises 
								étaient vulnérables. 
								
								Au 
								kilomètre 61, vers Thât Khé, séchage de l'anis 
								sur le trottoir. Puis de petits silos en forme 
								de champignons.  
								
								
								Vers le km 40, des travaux sur la route en 
								surplomb d'une vallée encaissée où coule une 
								rivière.  
								
								
								Arrivée à Lan Son à 12 h. Un chauffeur nous dit 
								qu'il n'y a pas de bus pour la baie d'Along et 
								qu'il faut passer par Hanoi. Nous croyons - à 
								tort - à une entourloupe et nous nous laissons 
								entraîner par un jeune homme vers un minibus en 
								partance pour Along... C'est à partir de ce 
								moment que les choses vont se gâter pour le 
								reste de la journée. Nous avons affaire à 
								deux petits combinards (un chauffeur privé 
								et son auxiliaire), l'un à l'allure de play-boy, 
								l'autre avec une tête de fouine et des yeux qui 
								vous fouillent des pieds à la tête...  
								
								
								En résumé : une fois le bus en route, le second 
								vient nous réclamer 1 000 000 VND pour les deux 
								(37 €) , soit plus de cinq fois le prix normal 
								(à titre d'exemple : 180 000 VND pour le trajet 
								Cao Bang-Lan Son). Je lui fais comprendre que je 
								ne suis pas d'accord et que nous voulons 
								descendre... Il accepte finalement 700 000 
								VND, 
								puis vient encaisser notre voisin. Cela était 
								prévisible, le montant est nettement inférieur. 
								Comme je l'interpelle en lui montrant les 
								billets que l'autre lui tend, il me fait 
								comprendre que ce client est d'ici, lui.  
								
								
								Notre vigilance s'était relâchée et nous avions 
								oublié cette règle d'or : demander le prix 
								avant de consommer. Toutefois, nous estimons 
								que l'incident est clos et nous retrouvons 
								progressivement notre bonne humeur. 
								
								
								Toujours la même anarchie sur la route, jamais 
								un policier en vue ! 
								Des 
								travaux publics partout : routes, 
								assainissement, ponts, grands ensembles 
								d'habitations... Beaucoup de maisons avec le 
								drapeau vietnamien. Puis des rizières où 
								beaucoup de monde travaille au repiquage... 
								Et 
								soudain ! Une femme assise au milieu de la 
								chaussée, à contresens ! Nous n'avons que 
								quelques secondes pour la voir tourner la tête 
								de droite à gauche, comme pour se lamenter. Tout 
								à coup, le chauffeur de notre bus se met à 
								crier, ainsi que les quelques passagers de 
								l'avant qui ont eu le temps de se retourner. Que 
								s'est-il passé ? Un véhicule aurait-il écrasé 
								cette femme ? Nous n'en saurons rien, car les 
								mots échangés sont en vietnamien. En tout cas, 
								cela ne semble rien changer au cours des choses. 
								Le bus continue sa route comme si de rien 
								n'était... Mais "Stupeur et tremblement " pour 
								nous deux ! 
								
								Cependant, il est évident que nous nous 
								rapprochons de plus en plus de Hanoi ; ce qui 
								n'était pas du tout envisagé au départ. Je 
								profite d'une halte peu avant Bac Ninh pour 
								consulter l'auxiliaire à la tête de fouine. Je 
								lui montre la carte et lui demande de me 
								confirmer que nous allons bientôt bifurquer pour 
								prendre la direction de la baie d'Along. Il me 
								répond par l'affirmative, mais avec un air 
								sombre qui me laisse perplexe... 
								Mais 
								alors que tout le monde est remonté dans le bus 
								- nous compris - que vois-je à la portière ? : 
								les deux acolytes, avec nos sacs, qui nous font 
								signe de descendre. Celui à la tête de 
								fouine me dit "Along, Along !" en tendant le 
								bras vers l'autre côté de la route. Je me 
								précipite vers lui, et je m'énerve à l'aide d'un 
								anglais... très concis : "You, Along ! You !", 
								en pointant l'index sur lui. Mais tous les deux 
								ont déjà traversé la route avec nos sacs, en 
								direction d'un second bus, arrêté là on ne sait 
								par quel tour de magie. Un type en est descendu 
								; il a déjà pris nos bagages et nous hèle : 
								"Along ! Along!". Pris de court, je monte dans 
								le bus, suivi de Christine qui a eu la présence 
								d'esprit de prendre les quelques affaires qui 
								nous avions avec nous. Et ce bus 
								"providentiel" démarre. On ne saura jamais 
								comment il s'est trouvé à cet endroit et à ce 
								moment précis. Mais bon, il va bien à Along, 
								c'est le principal après tout. Toutefois, on 
								vient nous réclamer 400 000 vnd pour le trajet 
								Bac Ninh - Bai Chay... Je passe sur le détail de 
								nos inutiles protestations. 
								Nous 
								tentons de retrouver un semblant de bonne humeur 
								et nous suivons le trajet sur la carte. Notre 
								bus passe à Uông Bé, sur la route n° 18. Puis 
								Bai Chay (Along) est indiqué à 29 km, puis à 
								17... Nous voyons enfin le bout du tunnel. 
								Aussi, à quoi bon scruter cette carte ? 
								Mais 
								vers 19 heures, alors que nous ne sommes plus 
								qu'à quelques kilomètres du but, voilà que le 
								car s'arrête ! Et qu'à nouveau on a 
								descendu nos sacs sur le trottoir ! "Bai 
								Chay, Bai Chay", nous dit l'auxiliaire du 
								chauffeur, en nous montrant une direction bien 
								improbable, puisqu'il fait nuit noire. Avec le 
								recul, nous pensons qu'ils étaient de bonne foi 
								et qu'ils ont cru nous rendre service en nous 
								déposant là, à 1,5 km de Bai Chay, plutôt que de 
								nous emmener au terminus. En attendant, nous ne 
								savons pas où nous sommes, et la seule 
								perspective qui s'offre à nous est une bretelle 
								d'autoroute paraissant ne conduire nulle part. 
								Bien sûr, trois motards sont là pour nous 
								proposer de nous conduire à Bai Chay... 
								Christine sur une moto, moi sur la deuxième, et 
								les bagages sur la troisième... Mais à cette 
								heure notre candeur a atteint ses limites, car 
								ce "plan" ne nous dit pas grand chose... Et 
								puis, arrive un taxi "providentiel", à
								qui je fais signe. Un des motards tente de 
								me faire comprendre qu'avec le taxi ce sera 
								beaucoup plus cher, 200 000 VND. Mais nous ne 
								voulons pas l'entendre et nous montons dans la 
								voiture. Á 
								partir de cet instant nous nous demandons dans 
								quelle situation nous nous sommes mis, car le 
								chauffeur s'obstine à prendre la bretelle de 
								l'autoroute à contresens. Et bizarrement, avec 
								l'aide des motards qui partent en éclaireurs 
								pour l'aider à passer. Mais ça ne marche pas ! 
								Trois ou quatre fois nous revenons au point de 
								départ en marche arrière ! Ça 
								nous semble in-ter-mi-nable ! Et puis 
								finalement, ça passe. Ouf !  
								En cinq 
								minutes nous avons gagné Bai Chay. Le compteur 
								marque 45 000 VND. C'est le prix normal ; je 
								tends un billet de 50 000 VND au chauffeur en 
								lui disant qu'il peut garder la monnaie. Mais il 
								refuse mon billet ! Et naïvement ! bêtement ! je 
								crois qu'il refuse mon pourboire. Mais non, ce 
								n'est pas ça. Il sort de sa poche deux 
								billets de 100 000 vnd pour m'indiquer le prix 
								de la course ! Alors je lui montre le 
								compteur qui indique 45 000. Il me fait "Non, 
								non, non" de la tête, et secoue ses deux 
								billets. Entre temps Christine est descendue pour 
								récupérer nos sacs. Mais le coffre est fermé à 
								clé ! Il ne nous reste donc plus qu'à sortir nos 
								billets de 100 000 VND. En râlant, inutilement 
								bien entendu. 
								
								Ensuite, trouver où dormir s'avère difficile 
								dans la mesure où plus rien à Bai Chay ne 
								correspond à ce qu'indique le Guide du routard. 
								Nous tournons en rond près de trois quarts 
								d'heures avant de trouver un hôtel tout à fait 
								correct pour 12 $US, le Hoàng Lan, rue Vuòn 
								Ðao, 
								en face de la poste. 
								Bilan 
								de la journée : un peu éprouvante.  
					
					Post-scriptum : 
								Ici à Bai Chay, point besoin de moustiquaire, ni 
								de "Protect Insect". |