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heures, premiers bruits de la ville.
6 heures 30, sous notre fenêtres : les
commerçants ouvrent leurs étals, les balayeuses sont à
l'œuvre, un petit chien au long poil gris fait les
poubelles…
Et les motos
et les scooters sont de plus en plus nombreux à vrombir.
Manifestement, ici plus qu’ailleurs, les
Vietnamiens sont à deux roues ; pratiquement pas de voiture,
hormis les taxis.
8 heures 30. Nos "Easy Riders" nous attendent
devant l'hôtel. On démarre, Christine sur la moto de Tintin,
et moi sur celle de Thái.
Première étape : la pagode Linh Quang.
Nous nous arrêtons ensuite sur une
hauteur, face au mont Lang Biang (2 163 m). Au pied, le village de Lat. Nous avons devant nous un large panorama fait
de cultures en terrasses. Dans ce secteur, de petites exploitations
privées obtiennent deux à trois récoltes par an : oignons, brocolis,
carottes, artichauts, fraises, radis, salades, haricots
verts, tomates, kakis (l’été seulement). On utilise ici le fumier,
alors que dans les grandes cultures - d’après Tintin - on trouve beaucoup d’engrais chimiques.
Cependant, le bio gagnerait tout doucement un peu
de terrain.
Notre guide nous explique qu'après la guerre les Vietnamiens avaient
faim. Aussi l’urgence a-t-elle été de défricher la jungle pour cultiver
du maïs et des patates douces (sur ces plateaux, il ne fait pas
assez chaud pour le riz).
Après nous
être dégourdi les jambes dans une pinède,
nous visitons une pépinière de
fleurs où l'on fait
pousser roses et gerbara (une variété de marguerites),
destinées à être livrées dans tout le Vietnam.
Tintin nous dit que les fleurs permettent de mieux vivre que le
maraîchage.
Nous enfourchons à nouveau les motos pour
aller voir des champs de caféiers
(1).
C'est un "robusta" que l'on cueille à la main toute l’année.
La fleur exhale un fort parfum proche du jasmin. D’après
Tintin, le café est la principale source de prospérité de la
région
; il se vendrait 200 000 (7 €)
à 500 000 VND (18 €) le kilo. Quant au café chom
(2), récupéré dans les
déjections de civette, il se vend 300 $US le kilo ; nous
aurons l'occasion d'en voir dans l'après-midi.
À
noter que la culture du café est tenue ici par des familles
vietnamiennes, dont l'installation - après le
Đỗi
mỡi
(3)
- se serait faite au détriment des "montagnards" (4)
que l'on aurait tout simplement expulsés.
Nouvelle étape : le village de Nam Ban dont les habitants sont
venus de Hanoi en 1977. Ils cultivent le café et complètent
leur revenu avec de petits travaux annexes. Certains ont réussi
ainsi à sortir de leur pauvreté. D'autres non ; c'est le cas
de la famille que nous allons visiter.
La maison où nous
entrons est représentative de l'habitat des débuts du
village [voir photos]. De l’intérieur, les tuiles sont
apparentes ; mais il fait doux en hiver nous dit-on. La
maîtresse des lieux a environ 35 ans. Je suppose qu’elle est
veuve car elle vit avec sa mère et ses deux enfants ; autre
indice, une photo de mariage et celle d’un homme d’une
trentaine d’années sont placées sur l’autel des ancêtres.
Notre hôtesse découpe devant nous des lamelles de bambous qu’elle
utilise ensuite pour fabriquer des treillages à vers à soie.
Le bambou est prélevé sur la route de Dà Lat à Ban Mê Thuột.
Un peu plus loin dans le village, nous
entrons dans les locaux d'une entreprise de filature et
de tissage de la soie (5).
Nous notons que chaque cocon de ver à soie livre 800 à
1 000 mètres de fil et qu'il faut dix cocons (brins) pour
faire un fil.
Étape
suivante : la cascade
de l’Éléphant.
Sur ce site, nous avons l'occasion de voir le
tissage traditionnel de la soie. Tout à côté, la pagode Thàc Voi, avec la déesse aux mille bras
et aux mille yeux.
C'est l'heure de déjeuner. Christine va
pouvoir se reposer du coup de chaud qu'elle a pris en fin de
matinée. Nos guides acceptent notre invitation mais
préfèrent nous laisser seuls pour manger.
Nous
reprenons la route pour une
fabrique d'alcool de riz. On y
"élabore" aussi le café chom. Plusieurs civettes
sont en cage ; on nous prescrit de ne pas y mettre nos
doigts car ces "bêbêtes" sont très agressives. Le
café est stocké dans des sacs en toile. On nous le fait
humer : ah oui,
le café chom, c'est "quelque chose" !
Tintin nous dit
que que la production de riz étant maintenant suffisante pour la consommation nationale, on peut avoir
d’autres activités ; ce qui est le cas de cette petite
exploitation familiale.
Étape
suivante :
un village de la minorité koho (ou co-ho),
que je suppose être Tà Nung.
Un homme de 60 ans environ nous accueille. Je
trouve qu'il
ressemble à Nelson Mandela. Dans sa cuisine, un cochon dort
près du feu. A l’extérieur, un singe est attaché à une longue
corde. Celui-ci nous fait toutes sortes de mimiques et se
montre cependant très agressif.
L’homme parle un dialecte fort différent du vietnamien.
Tintin assure la traduction.
Les Koho (6) viendraient de
la région de Kon Tum, limitrophe du
Cambodge et du Laos. Notre hôte serait arrivé ici
vers 1960. Il dit avoir travaillé pour les Français et, en
mon for intérieur, je suppose qu'il est venu ici plus tôt, après la
défaite des Français en 1954, afin d'éviter les persécutions du Vietminh.
D’après Tintin,
ici c’était la jungle ; alors l’Etat a donné de la terre gratuitement aux
nouveaux arrivants. Ces derniers ont cultivé du quinquina,
remplacé aujourd’hui par un peu de café. Pendant la saison des pluies,
les Kho cultivent du
manioc, du maïs et de la patate douce. On ne trouve plus
beaucoup d'animaux dans la région, sinon des singes et des sangliers.
Notre hôte dit
être
content de nous recevoir, car nous sommes français. Il
prononce quelques mots dans notre langue, essaie de compter
jusqu’à 10...
Les Koho, chrétiens majoritairement protestants,
vivent selon un système matriarcal. Tintin nous explique que ces
montagnards ne pratiquent pas le commerce comme les
Vietnamiens, et que c'est pour cette raison qu'ils demeurent
pauvres. En réalité, comme cela a été évoqué plus haut, ils ont été marginalisés par les
planteurs de café. Et aujourd'hui, leurs
revendications ne rencontrent qu'indifférence ou répression de l’armée
(7).
Après un arrêt
dans une
petite entreprise de conditionnement de
fleurs, nous terminons notre circuit avec la visite de la Maison folle
(ou folie Hang Nga), œuvre
de l'architecte vietnamienne Dang Viet Nga.
Comme convenu, Tintin et Thài nous emmènent à la compagnie Thành Bưới (8) pour réserver nos places dans le bus de Can Tho.
Une fois chose faite, ils s'apprêtent à nous reconduire à
l’hôtel. Thài me tend donc mon casque… et part sans moi ! Il disparait dans le flot de la circulation. Tintin se dépêche de
le joindre avec son téléphone portable pour lui dire de
revenir. Thài lui répond que non ! Il ne va pas faire
demi-tour puisqu’il est arrivé devant
l’hôtel... Il ne s’est pas rendu compte que je ne suis pas sur
sa moto. Fou rire ! Tintin nous jure que c’est la première
fois que ça arrive.
Retour à l’hôtel. Nous sommes rompus après
cette intense balade, alors repos.
Le soir, balade et grignotage au marché
central.
Décidément ce marché est impressionnant : immense et
populeux, pleins d’odeurs, de cris…
Christine mange une patate douce qu’elle
tient comme un cornet de glace. En la voyant, une femme
vietnamienne, la quarantaine, est secouée de rire. Elle
lui donne une petite tape sur l’avant-bras qui
semble dire : « Arrête, tu es trop drôle, toi ! ». On rigole
franchement, mais sans avoir vraiment compris de quoi.
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